Aujourd'hui,
j'ai envie de blablater sur tout et sur rien. Chez moi, le besoin de
prendre les crayons pour écrire ou dessiner est toujours provoqué par
une grande sérénité intérieure, ou par son contraire exact.
Depuis
plusieurs jours, j'erre. Je me regarde le nombril et me lamente sur mon
sort. Mon seul exutoire est de voir des amis, mais ça ne fonctionne que
sur le moment présent. On serre les dents face aux erreurs de genre et
on se dit que ce n'est pas de leur faute, qu'ils se reprennent, qu'ils
font déjà beaucoup d'efforts.
Converser
avec mon frère, écouter ses erreurs en souriant, tâcher de comprendre
son désarroi me font comprendre à quel point ma situation est égoïste, à
quel point elle nécessite de l'être, et à quel point je ne suis pas
fait pour ça.
Il
y a des années que je me drape de misanthropie pour me protéger des
autres, car leurs émotions m'affectent bien plus qu'il ne le
faudrait/devrait. J'aimerais tellement être neutre, être simple, être
heureux, être une pierre, froide, avec pour seule pensée le soi, rien
que le soi, uniquement le soi, et mépriser, oublier les autres sans en
souffrir.
J'erre
dans ce paradoxe d'avoir cruellement besoin des autres pour vivre mais
que ce besoin me détruit aussi à petit feu. J'éviterai la métaphore du
junky détruit par ce dont il a le plus besoin, mais on en est pas loin,
et à force de grimper le long de cette paroi escarpée pour me sortir de
mon trou, j'ai les mains écorchées, et à présent sans force aucune.
Il
faut que je me pose à mi-chemin de ma course, que j'arrête tout pendant
un temps, que je règle les problèmes que je sème derrière moi,
volontairement ou non, pour retrouver la force de grimper.
Il
y a tant de choses qui m'affectent que je ne sais par où commencer. Le
boulot, déjà, ce serait bien de penser au boulot, ouais. Sauf que mes
velléités dépressives, si dark, si true, me reprennent et qu'il
est bien délicat de trouver du travail dans cet état mental. D'aucuns
penseront à de la flemmardise, grand bien leur en fasse ! S'ils
pouvaient vivre dans mon corps ne serait-ce qu'une heure ils
comprendraient sans doute mieux.
Mais
là est le nœud que je ne peux défaire. Personne ne pourra se mettre à
ma place. J'ai besoin de compréhension mais cette compréhension est
inaccessible, même pour moi, et j'en viens souvent à me demander ce que
je fiche ici, moi qui suis si inadapté à ce monde-ci, ou ce monde-là,
peu importe, j'ai le sentiment de n'avoir ma place nulle part.
Ce
sentiment d'illégitimité est peut-être lié à ma situation. Je l'espère
d'une certaine façon, même si je sais qu'aucune de mes démarches ne me
rendra heureux. C'est un fait. Même si l'on arrête, on est fumeur ou
alcoolique toute sa vie, question de récepteurs dans le cerveau, il
paraît, et bien il en va de même pour la dépression. Question d'humeurs
comme en jugeraient nos ancêtres antiques. Et bien quitte à être
dépressif, à être pauvre, j'aurai mieux fait de poursuivre mon
artistique voie pavée de chausse-trappes, car au moins, j'aurai une
vraie raison d'être pauvre et dépressif, et ça ne bloquerait plus
quiconque sur cette malheureuse phrase si cruelle "mais tu as tout pour
être heureux ! "
Non.
Je e suis pas toi,e t tu n'es pas moi. Pour vivre heureux, vivons
serein. Ce 'est pas le cas, pas encore. Je garde le maigre espoir qu'un
jour cela changera mais en démarrant ma vie dans le mauvais corps, je ne
suis pas sûr que l'espoir soit une donnée à prendre en compte.
L'illumination
du ciel, un signe, une épiphanie, quelque chose, c'est tout ce que je
demande, quelque chose, qui vient, qui me saute u visage et qui me dit
"Fais ça de ta vie petite chose, tu auras de quoi t'acheter à manger,
dormir sous un toit, sortir de temps en temps et surtout, tu seras
heureux"
Ma
seule richesse, ce sont les autres, mon seul besoin. Mais en temps de
crise, j'ai besoin d'acheter, des merdes, des conneries, n'importe quoi
pour me vider la tête. Un bref instant, ne pas me sentir vide, mais je
résiste, songe à mes rentrées mensuelles misérables, et je me retiens.
Sur cela, j'ai progressé, c'est déjà un point positif, si seulement le
moral progressait lui aussi !
Mais
je reste posé là, sur la berge de ma mare à attendre le baiser qui me
sortira de ma condition de grenouille pour devenir enfin moi-même. Je
regarde la mouche qui se noie dans l'eau. Je sais que j'ai plus de
chances qu'elle et pourtant...
sourire,
faire semblant, faire de moi ce que l'on veut, attendre, sourire,
éviter à tout prix les médocs, sourire, sourire, et encore sourire "Mais
tout va bien puisque je vous le dis ! " Ouais. Sauf que j'arrive plus à
mentir, même ça je n'y arrive plus.