dimanche 19 décembre 2010

Devenir adulte ?

En ce moment, je cogite énormément, sans doute trop ailleurs.
Divers éléments me font prendre conscience que je glisse (enfin ?) vers le monde adulte. Fini la fac, bonjour les galères administrative, la recherche d'emploi. Je sais aussi que cela me fait peur. J'ai l'impression d'être aussi nu que le nouveau-né, aussi fragile, mais moi je n'ai pas la force de crier pour inspirer ma première goulée d'air.
Aujourd'hui, il s'est passé quelque chose qui m'a cruellement projeté dans le réel. Il y a quatorze ans, j'ai acheté un cheval. Une petite bestiole noire, pas très jolie, mais d'une gentillesse défiant l'entendement. Il avait alors 16 ans, moi 13, et en pleine adolescence pénible et douloureuse.
Pendant toutes ces années, ce cheval a été mon confident, mon réconfort. Le seul à savoir quand j'allais mal, le seul à venir poser sa tête contre moi, simplement, semblant me dire "On se relève de tout, tu sais."
J'ai passé des heures en sa compagnie, à le veiller, à l'aider à vieillir du mieux possible. Me battre pour le rendre heureux, pour le sauver de la détresse quand sa compagne est morte. Cette petite jument grise qui m'a usé la voix, brûlé les muscles tant j'ai passé d'heures a essayer de la relever le jour où elle a décidé de mourir.
Aujourd'hui, mon cheval a trente ans. Il est en fin de vie, je le sais depuis toujours. Dans le froid glacial de ce dimanche maudit, il s'est laissé tomber. Il s'est évanoui. Ma mère l'a retrouvé et comme moi il y a quelques années, elle a lutté pour ne pas le laisser partir. Elle a réussi. Elle m'a appelé et m'a raconté cette mésaventure, bon sang, s'il n'y avait pas cette neige, je serais en ce moment même au "chevet" de mon cheval.
J'imagine que mon attachement peut sembler stupide, ou dérisoire à certains mais je m'en moque. Seul compte ce que je ressens et c'est bien une chose que la transition m'aura apprise. L'idée de le perdre n'a jamais été concrète. Lui, mon seul réconfort pendant des années d'enfer. Je devrais accepter la symbolique de son départ imminent comme le signe de ma renaissance mais je ne peux m'y résoudre. Il fait partie de moi, c'est un fait, et il y a quatorze ans que j'ai tout donné pour le rendre, avec succès, heureux.
Je voudrais pouvoir être serein pour l'accompagner avec le sourire pour ses derniers instants mais je ne peux m'y résoudre, pas encore. C'est peut-être égoïste, mais je veux lutter pour qu'il vive encore, qu'il ne m'abandonne pas tout de suite. Je n'ai plus qu'à croiser les doigts en espérant que tout se passe au mieux, quelque soit l'issue. De toute façon, il y a des années que j'ai abandonné toute idée de prier.

vendredi 17 décembre 2010

Une transition, et alors ?

Je pense qu'il est important dans le cadre d'une transition de continuer à vivre le plus normalement possible. La transition est une partie de la vie, non un but dans la vie.
Pour ma part, je m'efforce de continuer de faire vivre mes passions, la musique, l'écriture et d'essayer de ne pas me focaliser sur la transition. forcément. Car si j'oriente toutes mes pensées vers la transition, je me place en équilibre au bord d'un gouffre sans fond. Je préfère me voiler la face et ne pas penser au désespoir de ne jamais être cisgenre, normal, entier. Je ne suis pas dans la norme, déjà, par tout ce que je suis et ne suis pas, ma personnalité, mes goputs, je n'entre pas dans le cadre.
Fuir la peur d'être déçu du résultat, garder patience face à la lenteur du changement.
Mon premier défi est d'essayer de m'alimenter correctement. J'ai depuis longtemps un trouble alimentaire de type boulimie/anorexie. En ce moment, c'est le deuxième aspect qui prime. La faim ne se rappelle à moi que lorsque je suis au bord de tomber dans les pommes. Là, je dois me forcer à ingérer de la nourriture, ce qui immanquablement me donnera une forte envie de vomir. Serrer les dents, au sens propre du terme, pour assimiler quelques nutriments afin de ne pas finir anémique. C'est vraiment difficile. La bouffe devient un médicament.
Heureusement, une fois de plus, que mon compagnon est là sinon je crois que je ne m'alimenterai pas. Mon corps me dégoûte de plus en plus à mesure que j'avance dans la transition, ces courbes féminines, ce gras féminin bien écœurant, la peur de manger pour enrichir ce gras, cette mollesse. J'essaie de faire de la muscu, je me défonce le dos, les genoux, mais le tout est de bruler ce que je ne peux voir. Sans énergie alimentaire, c'est quasiment impossible. Je le sais pertinemment mais je n'arrive pas à manger comme je le devrais. Je perds du poids, à nouveau. Ma peau perd de sa qualité, mes cheveux également, mais je gruge par divers artifices cosmétiques pour que cela ne se voit pas. Faut-il que je perde mes dents pour prendre conscience que je me tue à petit feu ?
Ce qu'il y a de partir avec ce trouble, c'est qu'il est contrebalancé par les phases boulimiques sans vomissement. Là, je prends du poids, de l'avance sur ce que je perdrais quand je serai en phase anorexique. Personne ne voit rien, je n'entre pas dans l'archétype du squelette ambulant.
Ce trouble est l'un de mes plus grands tabous, mais j'ai décidé qu'il deviendrait ma vraie lutte, mon véritable but. On ne guérit jamais, mais on peut le gérer. Sans doute en me réappropriant mon corps. Ne plus percevoir la bouffe comme un médicament, mais cette transition qui va faire de moi ce que je suis vraiment. Je sais que je peux y arriver. J'ai assez de recul pour cela. J'ai l'habitude de la douleur dans ce corps défaillant aux articulations malades. Si je surmonte ce trouble alors j'aurai remporté la première victoire sur moi, avant même la mutation vers mon état d'homme.