J'ai pris mon courage à deux et un rendez-vous avec le docteur C. de Montauban.
Le
20 avril donc, je fais l'aller-retour Paris Montauban sur la journée.
Je vais prendre l'avion pour la première fois de ma vie pour aller
récupérer ma vie. C'est bien. Mais le stress et le contre-coup de deuil
font que j'ai du mal à me réjouir. Par intermittence peut-être. Le
concret me fait peur, mais cela vaut pour bien des domaines, j'ai
toujours eu du mal avec la notion d'engagement.
Je
vous tiendrai bien sûr informées des conclusions de ce premier
entretien. J'ose espérer avoir une date de mastectomie proche, en juin
serait l'idéal.
J'ai
aussi trouvé la meilleure solution pour le financement... L'idéal
serait que je travaille mais lâchons le mot, je suis littéralement
terrorisé par le monde du travail, à un point où cela me bouffe la
santé. Demain, j'ai un entretien avec ma conseillère Pôle Emploi qui va
se solder par un CO afin de lui expliquer pourquoi je n'ai toujours pas
de taf -pire- pourquoi je n'en ai toujours pas cherché.
Je
sais pourquoi l'opération me fait peur. Je comprends que cela ne me
rendra pas plus sociable, et sans doute pas plus heureux, mais au moins
je serai moi, et c'est sans doute le principal. Partant d'une base
solide, on peut sans doute espérer être heureux, non ?
Là,
j'ai un impérieux besoin d 'oxygène, et de solitude, plus que jamais.
J'aimerais quinze jours, trois semaines, rien qu'à moi, tout seul,
tranquille. Ce sera le cas en juillet et je pense que cela me fera le
plus grand bien car je le sens, je deviens infect. Plus le temps passe
et plus ma défense face à la mort est le cynisme et l'amertume. J'en
viens à regretter ce temps où j'explosais en sanglots, longtemps, pour
ensuite me relever peu à peu. Je tombais de très haut, mais je parvenais
à remonter la pente petit à petit. Là, j'ai le sentiment que je
descends à petite vitesse une lente spirale. On apprend pas à gérer la
mort, oh que non... Il faut que je trouve un autre exutoire que les
larmes, une délivrance brute. Aujourd'hui, je me vide le crâne dans des
paradis artificiels, pas chimiques, non, plus chimiques, mais livres,
séries, jeux vidéos... C'est bien, ça m'occupe, mais quand je tourne la
page ou ferme l'application, je me vois plonger dans le gouffre du
désespoir face au non-sens de cette vie. Mon médecin me dit d'aller voir
un psy, la belle ironie... Si j'ai pu le faire pour entamer ma
transition physique, je n'y arrive pas pour soigner mon mental.