mercredi 30 mars 2011

Le 20 avril

J'ai pris mon courage à deux et un rendez-vous avec le docteur C. de Montauban.
Le 20 avril donc, je fais l'aller-retour Paris Montauban sur la journée. Je vais prendre l'avion pour la première fois de ma vie pour aller récupérer ma vie. C'est bien. Mais le stress et le contre-coup de deuil font que j'ai du mal à me réjouir. Par intermittence peut-être. Le concret me fait peur, mais cela vaut pour bien des domaines, j'ai toujours eu du mal avec la notion d'engagement.
Je vous tiendrai bien sûr informées des conclusions de ce premier entretien. J'ose espérer avoir une date de mastectomie proche, en juin serait l'idéal.
J'ai aussi trouvé la meilleure solution pour le financement... L'idéal serait que je travaille mais lâchons le mot, je suis littéralement terrorisé par le monde du travail, à un point où cela me bouffe la santé. Demain, j'ai un entretien avec ma conseillère Pôle Emploi qui va se solder par un CO afin de lui expliquer pourquoi je n'ai toujours pas de taf -pire- pourquoi je n'en ai toujours pas cherché.
Je sais pourquoi l'opération me fait peur. Je comprends que cela ne me rendra pas plus sociable, et sans doute pas plus heureux, mais au moins je serai moi, et c'est sans doute le principal. Partant d'une base solide, on peut sans doute espérer être heureux, non ?
Là, j'ai un impérieux besoin d 'oxygène, et de solitude, plus que jamais. J'aimerais quinze jours, trois semaines, rien qu'à moi, tout seul, tranquille. Ce sera le cas en juillet et je pense que cela me fera le plus grand bien car je le sens, je deviens infect. Plus le temps passe et plus ma défense face à la mort est le cynisme et l'amertume. J'en viens à regretter ce temps où j'explosais en sanglots, longtemps, pour ensuite me relever peu à peu. Je tombais de très haut, mais je parvenais à remonter la pente petit à petit. Là, j'ai le sentiment que je descends à petite vitesse une lente spirale. On apprend pas à gérer la mort, oh que non... Il faut que je trouve un autre exutoire que les larmes, une délivrance brute. Aujourd'hui, je me vide le crâne dans des paradis artificiels, pas chimiques, non, plus chimiques, mais livres, séries, jeux vidéos... C'est bien, ça m'occupe, mais quand je tourne la page ou ferme l'application, je me vois plonger dans le gouffre du désespoir face au non-sens de cette vie. Mon médecin me dit d'aller voir un psy, la belle ironie... Si j'ai pu le faire pour entamer ma transition physique, je n'y arrive pas pour soigner mon mental.

lundi 21 mars 2011

Adieu mon bonhomme

Je me sens terriblement triste aujourd'hui.
Près de seize ans de vie commune viennent de s'achever. D'aucuns ne comprendront pas la douleur d'avoir perdu un être cher lorsqu'il s'agit d'un animal mai peu m'importe. La douleur est là.  L'avoir vu lutter, puis cesser de lutter. Choisir de l'endormir pour qu'il repose en paix, ne souffre enfin plus.
Ce matin, "mon" poney est mort. Il appartenait à une amie chère et je ne peux mesurer l'immensité de sa peine. Difficile de la soutenir quand moi-même suis si affecté. Il avait vingt-six ans. Il a été frappé par la maladie de façon si subite ! Je n'avais pas d'espoir. J'ai lutté pour faire croire à tous qu'il y en avait mais je savais qu'il allait nous quitter, peut-être pas aussi rapidement.
Je n'ai pas pu lui dire au revoir et garde en moi l'image de sa dégradation progressive, sa difficulté à mettre un pied devant l'autre. Hier déjà, il avait décidé d'en finir. Il s'est couché et ne s'est plus relevé. Ce matin, on l'a aidé à s'endormir pour de bon.
Avoir des chevaux m'aura définitivement apporté les plus grandes joies, mais aussi les pires peines de mon existence.

vendredi 18 mars 2011

Des bouts de rien

Moi qui n'aime pas mettre les choses dans des boîtes, les gens dans des cases, j'aime organiser mes articles de blog afin de ne pas parler de onze trucs différents dans un seul et même billet. Objectivement, il faudrait pour cela que je poste plus souvent alors allons-y pour des news, une chose à la fois, et tâchons d'être synthétique.
J'ai pris contact avec deux chirurgiens aux USA pour leur demander leur avis sur mon cas (ou plutôt sur mes miches). Les deux sont catégoriques, c'est la double qui m'attend. A moi les deux longues cicatrices et je pourrais concurrencer mes frangins dans un domaine où chacun se défend. Bizarrement, l'idée des marques ne m'affecte plus alors que je la rejetais en bloc il y a quelques mois. Peut-être parce que j'ai évolué, que j'intègre peu à peu que je suis trans, pas bio, et que je dois faire avec. Qu'une cicatrice, ça peut être très beau, que c'est l'histoire de mon corps, de mon parcours, et que de toute façon, je ne vais jamais à la piscine ou à la plage, hé !
Il me reste donc à contacter le chir français de mon choix, là-bas à Montauban. Planifier le trajet pour y aller est une réelle épreuve. Je n'y arrive pas. Je panique, je suis bouffé de stress. Mieux ? Il m'a répondu par mail en me disant de l'appeler et je n'y arrive pas, je suis totalement pétrifié. Non pas parce que ça devient concret, bien au contraire, mais parce que j'en suis encore au stade où sortir de chez moi est une épreuve, alors organiser un tel périple ! Et surtout, j'ai vraiment l'impression d'être tout seul dans cette merde, l'impression de n'avoir aucun soutien. Et ouais, ça pue. Hormis chez mes camarades trans, personne ne semble mesurer l'importance de cette opération j'ai l'impression, ça me soûle pas mal. (Ce "personne" désigne les gens de mon entourage que j'ai appelé à l'aide, pas ceux vers qui je ne me suis, pour le moment, pas tourné)
Bref. Restons-en là pour le coup' coup' du haut et passons au bas. Au bas, oui, moi qui clame à qui veut l'entendre que je ne veux pas de méta ou de phallo, je me retrouve à tout bonnement péter les plombs face à ma différence. Avec l'évolution de mon corps vers un masculin de moins en mois ambigu, je me retrouve à détester ce que j'ai entre les jambes. Je dois réapprendre que ma sexualité n'est pas féminine malgré ce sexe mais je n'y arrive pas. Je me sens à chaque fois frustré, j'ai de plus en plus de mal à prendre mon pied et par-dessus le marché je me sens vaguement humilié. Alors si j'ai pu les premiers mois de testo bénéficier d'une  libido galopante, je me retrouve de nouveau bloqué, mais pas comme avant. Avant, il n'y avait rien. Le désert, pas de libido, c'était facile à régler.  Pas de sexe et on en parle plus. Aujourd'hui, ma libido se temporise mais elle est présente, ce qui m'inflige une frustration plus grande que jamais. Je ne sais franchement plus quoi faire. Voir un psy pour en parler ? Peut-être. Je suis un peu dépassé par les évènements, je ne pensais pas que ce genre de ressenti, si primaire finalement, m'arriverait un jour.
J'ai pensé à la fausse queue pour satisfaire mon intellect mais je doute que cela marche, je n'ai même pas envie d'essayer. J'ai l'impression que cela ne fera qu'aiguiser ma différence et c'est sans doute plus que je ne puis le supporter. On va oublier donc. Serrer les dents et faire un joli sourire. On a toujours été doué pour faire croire que tout va bien.
Le 18 mars est un jour de merde. Sans doute l'un des jours où ma cervelle bouillonne et travaille le plus. Par je ne sais quelle ironie du sort, il m'arrive toujours des trucs sordides ce jour-là, et non, ce n'est pas lié à des beuveries de Saint Patrick, du moins pas toujours. A voir un cheval se claquer la tête contre les murs de douleur à cause d'une épaule cassée, le voir mourir sous mes yeux, repeindre le mur taché des rayures de ses dents et du sang de sa tête, à tout prix repeindre, pour ne pas que mon amie à qui appartenait ce cheval voit cela. Un bête 18 mars. Comme celui où il est mort, me glissant à l'oreille que c'était la fin, que c'était trop tard, que je n'avais clairement pas fait assez pour lui, que je n'avais pas eu le cran de faire ce qui aurait dû être fait. Quand j'ai dit à mon amie de piquer son cheval pour lui épargner la souffrance, moi, je n'ai pas su le faire pour le mien. Les miracles n'existent pas, il n'aurait jamais pu revivre, j'aurais dû faire ce choix au lieu de le laisser agoniser de cette façon. Allons bon, c'est du passé n'est-ce pas ? Une erreur à ne pas réitérer ? Eh bien aujourd'hui mon amie et moi avons de nouveau un cheval sur le fil de la mort et que doit-on faire ? Un concours de celui qui mourra en premier ? La compétition de la première euthanasie ?
C'est formidable, les souvenirs, cela vous crée, vous façonne au burin. L'être humain est un bloc minéral qui se dessine au rythme des coups de ciseau de la vie. Sauf que parfois, il y a un coup de ciseau de trop, qui coupe un bout de plus, un bout de cœur, un bout de bite, qu'importe ? Rien qu'on ne puisse faire renaître,  faire repousser. Serrer les dents, ouais, je l'ai déjà dit. Serrer les dents et faire comme ci tout aller bien, se noyer dans l'irréel, le plus possible, sans stupéfiants cette fois, sans alcool non plus. Oh Lord, je pars en vrille et raconte ce qui ne doti pas l'être. Allons bon. Restons-en là pour aujourd'hui.
 

samedi 5 mars 2011

Donner de la voix, Opus n°2

Parlons peu, parlons voix.
Jeudi, je suis allé chez mes parents, prendre un bon bol d'air campagnard ce qui m'a franchement fait du bien. Voir les miens, et mes animaux, qui eux ne se posent pas de questions sur mes changements.
J'ai une chienne Husky, d'un caractère bien particulier et qui m'obéit bien (ce qui n'est pas fréquent pour un husky). Il s'avère que deux petits Jack Russel se promènent dans ma campagne, et régulièrement, l'un ou l'autre vient chercher ma chienne pour aller se promener. Elle se sauve, part des heures et revient dans un état de crasse épouvantable. Ayant eu des plaintes de chasseurs ("Boudiou, eul loup y fait fuir les lapins !")  on évite qu'elle sorte histoire qu'elle ne se prenne pas une volée de plombs par cette bande d'abrutis. Méthode ? Quand elle détale, on gueule, elle revient.
Là, ça ne manque pas, un des Jacks vient la chercher. Je bondis dehors et je hurle... ? Non, je ne hurle pas. Une espèce de son étouffée sort à peine de ma bouche, ma gorge se compresse, et c'est la révélation. (Bon, ma mère a pu la rappeler, et pas de casse, pour la fin de la petite histoire)
Les cordes vocales bougent quand on parle (Captain Obvious !) et je me rends compte que je les bouge comme avant alors qu'elles se sont épaissies, alors forcément, au lieu de laisser un couloir, elles se collent. Ce qui fait mal en plus de ne produire aucun son.
Fort de ce constat, j'ai profité de mon retour en voiture et donc de mon absence de public pour chanter, me lâcher un peu. Le but, sortir des sons les plus naturels possibles, détendre les épaules, et tenter le coup en oubliant la justesse. Et là, magnifique ! J'ai pu chanter avec une voix plus claire que d'ordinaire, passer en voix de tête aussi et j'ai sorti des sons bien aigus (et justes par dessus le marché) J'ai peu réussi à jouer de la voix mixte mais ça, on oublie.
Le plus important dans cette histoire, c'est que je me suis rendu compte du problème, et surtout, j'ai compris qu'il y avait une solution.
Moralité, je vais revoir mes exigences à la baisse le temps de la mue, attendre que ma voix soit bien posée avant de bosser avec un prof pour réapprendre à me positionner et à respirer. Je suis ravi !
Pour moi, la prochaine étape fondamentale est lundi. Rendez-vous avec l'endoc, je demande mon sésame pour me faire opérer du torse. J'espère de tout cœur qu'elle dira oui et que je pourrais enfin me débarrasser de ça.
Pouvoir me regarder dans le miroir, cesser de porter ce foutu binder qui m'explose le dos, les côtes, l'estomac. J'ose à peine imaginer le plaisir que ça sera de porter un t-shirt à même la peau, des chemises ! Avec les boutons ouverts et tout. Je n'ai pas de mots pour écrire mon impatience. J'espère vraiment ne pas me heurter à un mur lundi, ou c'est sa tête à elle qui heurtera le bureau (je plaisante bien sûr, mais ça me ferait franchement mal au derche qu'elle dise non)

mercredi 2 mars 2011

De l'intonation et autres changements de voix

Dans une semaine, cela fera 4 mois que je suis sous T (et mon premier bilan hormonal me dit que je suis trop sous T., mais on verra ça avec l'endoc)
J'ai envie de parler de la voix aujourd'hui, car c'est un élément fondamental pour moi.
J'ai eu longtemps mal à la gorge. Cela s'est calmé début février me semble-t-il, puis j'ai enchaîné sur rhume, grippe et grosses toux, donc de nouveau mal à la gorge.
Je me suis enregistré et donc je sais que ma voix a baissé. Je l'ai sentie partir vers le bas assez rapidement, et je me suis enregistré à J zéro, J+1 mois et J+2 mois. Pas à 3 mois. Pourquoi ? Et pourquoi ne me suis-je pas pris en photo à 3 mois alors que je l'ai fait précédemment ? J'aimerais avancer la flemme, mais c'est plutôt la déception, ou plutôt la peur de la déception.
A quatre mois, je ferai enregistrement et photo, et là, je verrai sans doute davantage la différence. Le fait est que j'ai l'impression de stagner depuis début février. Je sais à quoi cela est dû, c'est parce que les journées sont longues, que je suis inoccupé, et donc que je n'ai que ça à penser.
Pour en revenir à la voix, elle a certes baissé mais je ne la reconnais pas en enregistrement. A mon oreille, quand je parle, j'entends clairement une voix féminine, pas celle enregistrée, et ça me rebute. J'ai l'impression que mon corps doit réapprendre à s'écouter sur ce point et à oublier l'ancienne voix.
Aujourd'hui, je chante comme une patate au point où je regrette de ne pas avoir gardé des enregistrements de chant antérieurs à la T. Je n'arrive plus à être juste, la voix de tête me fait souffrir et ma voix de poitrine est comme étouffée. Quant à la voix mixte, impossible pour moi d'y passer (le glissement entre voix de poitrine, plus basse, plus grave, et voix de tête, plus claire, pour expliquer un peu à ceux qui se demandent de quoi je parle.)
Je perdais déjà mes aigus avant la T mais là, c'est plus flagrant. Y parvenir est devenu extrêmement pénible, sans doute aussi parce que ma voix me fait mal dès que je chante. Dur d'attendre et de prendre son mal en patience. Je m'efforce de travailler un peu sur des morceaux faciles histoire de ne pas perdre la main. Peine perdue, mon oreille hurle à la fausse note à chaque mot. Je ne veux pas chanter faux ! T_T
Je pense, donc, que je vais attendre d'être opéré du torse pour pouvoir prendre des cours de chant une fois ma voix plus stable. (Attente de l'opé car aller chanter bindé, ça ne va pas être jouable pour moi) Je me donne un an, mais clairement, je vais travailler le chant sinon bonjour la dépression carabinée que je vais me manger.
Si je pale du chant, c'est parce que je me rends compte que je n'arrive plus à poser ma voix parlée. Auparavant, je prenais toujours ma voix très loin, en travaillant sur le souffle, pour parler en voix de poitrine et acquérir une certaine gravité. Là, j'ai totalement perdu l'automatisme, parce que ça me fait vite mal à la gorge. Du coup, je parle avec une voix de tête de merde qui me semble sonner aussi aigu qu'un couinement de pucelle face à Justin Bieber.
Là encore si ça dure, je vais voir un orthophoniste. La douleur que je sens dans ma gorge n'est pas bon signe, et en dehors de toute transition il y a un moment que je me dis que je devrais faire faire une visite de contrôle à mes cordes vocales que j'ai longtemps mal sollicité en chant.
En résulte toujours ce complexe pour parler, cette obsession sur la voix des autres. J'aimerais pouvoir entendre une voix à la signature masculine, au moins quand je parle. Je peux sacrifier le chant pour une belle voix parlée, même si ça me ferait le même effet que de me couper un bras.
Affaire à suivre donc, je me force à me dire que je devrais repousser à 6 mois le bilan sur ma voix mais c'est plus fort que moi. C'est pénible. Moralité, je vais aller me faire un thé pour passer un peu ma gorge en feu.
(N.B : Au moment où j'achève ce post, mon voisin se met à chanter. Une chose est sûre, même avec une grippe et la voix qui vrille, je chanterai toujours plus juste que lui.)